CARAÏBES (AIRE DES)

CARAÏBES (AIRE DES)
CARAÏBES (AIRE DES)

Une longue tradition coloniale a nourri une certaine vision fragmentaire, exotique, mystifiante du monde des Caraïbes considéré par beaucoup comme simple appendice insulaire d’une Amérique dite latine . Cette vision exogène – le concept d’Amérique latine apparaît lui-même à Paris vers 1860 – s’effondre depuis le début des années 1970. Au vrai, le domaine des Caraïbes a toujours eu une place privilégiée dans l’histoire depuis l’époque des foyers de civilisations précolombiennes (Olmèque, Maya, Amazonie) et sa fonction déterminante dans l’économie-monde qui s’ébauche au XVIe siècle. L’émergence de l’espace des Caraïbes est donc étroitement associée à la prise de conscience de l’histoire, une histoire totale qui ne dédaigne pas d’englober non seulement la réalité géopolitique actuelle, mais des dimensions géologiques, géophysiques, biologiques et océanographiques fondées sur des investigations récentes.

Dégagée d’une perspective étriquée, compartimentée, l’aire des Caraïbes peut se déployer avec toutes ses caractéristiques physiques et culturelles autour de la méditerranée des Caraïbes. L’espace engendré par l’histoire et par des observations scientifiques comprend, outre les mers intérieures, un ensemble hydrologique unique au monde – avec les trois puissants fleuves Mississippi, Orénoque, Amazone – des portions d’Amérique du Nord et du Sud reliées par deux complexes d’arcs insulaires encadrés par deux masses océaniques impressionnantes (Atlantique et Pacifique). Cette structure spatio-temporelle, perçue par des écrivains tels que Alejo Carpentier, Jacques Stephen Alexis et Gabriel García Márquez, a sa propre détermination endogène qui mérite un examen approfondi. Car le domaine des Caraïbes est devenu un enjeu stratégique très important sur l’échiquier mondial.

1. La configuration de l’espace des Caraïbes

L’aire des Caraïbes, engendrée par l’histoire, se révèle difficile à circonscrire avec l’outillage ordinaire des géomètres. Il est en effet impossible de déterminer un domaine d’un seul tenant, invariant dans la longue durée. C’est que l’espace des Caraïbes se présente comme une portion des Amériques – du Nord, du Centre et du Sud – centrée sur la mer des Caraïbes ou plutôt la méditerranée des Caraïbes.

L’espace des Caraïbes s’organise autour de la mer. On distingue les Caraïbes insulaires, englobant les Bahamas et les Bermudes, des Caraïbes continentales. L’orientation moderne de l’espace permet de circonscrire les Caraïbes du Nord, les Caraïbes orientales, les Caraïbes occidentales et les Caraïbes méridionales qui recouvrent les régions amazoniennes. L’archipel oriental comprenant les îles, de Trinidad et Tobago aux îles Vierges, constitue la frontière atlantique de l’aire, tandis que la façade du Pacifique est délimitée par l’arc occidental (Panamá, Nicaragua).

La méditerranée des Caraïbes

La méditerranée des Caraïbes est un complexe de mers qui comprend en particulier la mer des Caraïbes proprement dite et le golfe du Mexique. Cette méditerranée s’étend sur une surface totale de 4,31 millions de km2, superficie qui dépasse de près de 50 p. 100 celle de la Méditerranée qui sépare l’Europe de l’Afrique. Sa profondeur moyenne est de 2 174 m. La méditerranée des Caraïbes se subdivise en plusieurs bassins isolés par des rides ou reliefs transversaux: bassin colombien et bassin vénézuélien séparés par la ride de Beata, bassin de Grenade, bassin de Bonaire, bassin du Yucatán et Sigsbee Deep. La température de la mer en surface dans les parties tropicales de la région s’élève à 27 0C et ne varie guère pendant l’année. Les fluctuations saisonnières ne dépassent pas trois degrés dans la partie méridionale du golfe du Mexique et, plus au nord, la température varie de 16 0C l’hiver à 28 0C l’été.

La circulation générale dans la méditerranée des Caraïbes se présente comme une partie de la circulation océanique globale. Des études d’océanographie physique ont montré que la caractéristique dominante des courants aux Caraïbes est leur grande variabilité dans le temps et dans l’espace. En ce qui concerne la circulation des masses d’eau autour des plates-formes insulaires, des relevés bathymétriques ont montré le rôle joué par les eaux de l’Amazone et de l’Orénoque qui, amenées par les courants jusqu’à la mer des Caraïbes, contribuent à diminuer la salinité de la mer.

Le complexe de mers intérieures possède également plusieurs fosses très profondes: fosse des Caymans, fosse de Bartlett, fosse de Porto Rico, fosse de Milwaukee, fosse de Brownson. Le réseau hydrologique s’étend également aux fleuves et aux rivières qui se déversent dans la méditerranée des Caraïbes, en particulier: Mississippi, Mobile (États-Unis), rio Grande (États-Unis et Mexique), Grande Bravo del Norte (Mexique) río Motagua (Guatemala), río Coco (Nicaragua), río Magdalena (Colombie), Orénoque et Amazone.

La connaissance du relief sous-marin de l’archipel des Caraïbes se précise grâce à des expéditions d’exploration conduites avec des submersibles dotés d’un équipement électronique sophistiqué. On a pu dire que, si les eaux se retiraient de la région des Caraïbes occidentales, on aurait une imposante cordillère avec des sommets qui dépasseraient 10 000 m, tels le Pico Duarte (Cordillère centrale, République dominicaine) à 11 375 m, le Blue Mountain Peak (Jamaïque), El Yunque (Porto Rico), le Pico Turquino dans la sierra Maestra (Cuba).

Topographie de la périphérie

La distribution des terres en surface couvre une large portion des deux Amériques (Nord et Sud) et le domaine insulaire.

Au nord, la marge continentale de la méditerranée des Caraïbes borde le sud-est des États-Unis: Floride (125 000 km2), Mississippi (118 000 km2), Louisiane (112 000 km2), Texas (653 000 km2) et Alabama (134 000 km2).

À l’ouest, le Mexique (1 969 269 km2) et les sept Républiques centre-américaines élèvent une frontière entre l’Atlantique et le Pacifique qui s’amincit considérablement dans la région des isthmes: Guatemala (108 889 km2), Belize (22 965 km2), Honduras (112 000 km2), Nicaragua (139 699 km2), El Salvador (21 393 km2), Costa Rica (51 000 km2) et Panamá (75 835 km2).

En Amérique du Sud, les géographes et les géophysiciens ont établi des liaisons morphologiques entre «l’édifice andin» et les Caraïbes insulaires. À la Colombie (1 138 000 km2), au Venezuela (912 000 km2) et aux Guyanes (Guyana, 214 969 km2, Suriname, 163 265 km2, Guyane-Cayenne, 91 000 km2), il faut ajouter les territoires brésiliens, Amazonie (3 554 000 km2) et Nordeste (154 227 km2). Des recherches en océanographie, géologie marine et physique, biologie marine, climatologie, ont montré la parenté de ces régions qui constituent la bordure méridionale de l’espace des Caraïbes. L’étude de la circulation maritime et des courants, réseau hydrologique sur les marges du Bassin et des mouvements cycloniques, a permis de mieux baliser cet espace.

À l’est, autour du noyau maritime, l’univers insulaire constitue une bordure visible de 4 700 km – du 10e au 23e degré de latitude nord – qui ne se dissocie pas d’une lignée de subduction découverte dans l’océan Atlantique. L’archipel des Caraïbes (238 000 km2) se divise en Caraïbes occidentales et Caraïbes orientales où se distinguent îles du Vent et îles Sous-le-Vent en fonction de critères géographiques ou politiques.

Les Caraïbes occidentales comprennent quatre îles: Cuba (114 524 km2), Haïti (76 484 km2), Jamaïque (10 991 km2) et Porto Rico (8 897 km2), qui couvrent 89 p. 100 de l’arc caraïbe. Les Caraïbes orientales égrènent leur chapelet d’îles de la côte vénézuélienne au canal d’Anegada sur 13 500 km2. Au nord, l’archipel des Bahamas s’étend sur 11 800 km2. La structure du relief s’apparente aux dimensions de deux imposantes cordillères qui se croisent dans la région de Panamá: la Cordillère des Andes qui se poursuit dans l’archipel oriental et la Cordillère des isthmes qui prolonge la sierra Madre.

L’existence d’une plaque des Caraïbes a été révélée par des spécialistes de la tectonique globale se fondant sur des travaux effectués depuis 1968 en géologie et en géophysique. Cette plaque qui émerge depuis le Crétacé – environ 130 millions d’années – entre la plaque Amérique Nord, la plaque Pacifique et la plaque Amérique Sud, a des caractéristiques encore mal connues. La «Dalle des Caraïbes» a une forme ovalaire, se trouvant enserrée entre deux fossés de subduction inverses: l’un à l’est, à 150 km des Caraïbes orientales, l’autre à l’ouest, au large de la région des isthmes et du Pérou. Deux plaques océaniques (Atlantique et Pacifique) passent donc au-dessous de cette plaque des Caraïbes, ce qui lui imprime un mouvement de surrection. Les limites de cette plaque englobent la grande faille des Caymans qui se prolonge par la faille de Motagua au Guatemala et la fosse de Porto Rico au nord, la fosse de Guatemala-Pérou à l’ouest, le complexe des failles transformantes au sud en Colombie et au Venezuela (failles Oca, Bonoco et El Pinar) et la zone de subduction à l’est des Caraïbes orientales.

À l’est et à l’ouest de la «Dalle des Caraïbes», deux complexes d’arcs insulaires présentent des caractéristiques similaires décalées dans le temps. La répartition des îles s’effectue le long d’arcs dont la courbure s’oriente en fonction du sens du déplacement opéré par la subduction. Ces deux arcs insulaires présentent des indices d’activité volcanique intense et constituent d’importantes zones sismiques. Les foyers des séismes peuvent atteindre 700 km de profondeur et se répartissent sur une surface appelée surface de Benioff. La région des Caraïbes possède sans conteste la plus forte densité volcanique du monde avec 128 volcans en activité responsables de 450 éruptions en cinq siècles. La région des isthmes, ancien arc insulaire complètement émergé, se distingue avec ses 109 volcans tandis que l’arc des Caraïbes orientales possède neuf volcans actifs, le dernier près de l’île de la Grenade, le Kick em Jenny, qui n’a pas encore émergé. D’autres centres éruptifs sous-marins existent tout le long de l’arc, en particulier au voisinage de l’archipel guadeloupéen.

La chaîne des volcans insulaires se prolonge par les cordillères andines du Venezuela et de Colombie. Dans la Cordillère de Mérida se dresse le Pico Bolivar (5 007 m), et Caracas fut durement éprouvée par le tremblement de terre de 1812. Dans les trois cordillères de la Colombie, on trouve des volcans impressionnants tels le Nevado Ritacueva (5 600 m) et le Nevado del Huila (5 750 m) dans la Cordillère de Quindio ou Cordillère centrale, le volcan de Cumbal (5 000 m) dans la Cordillère du Choco ou Cordillère occidentale, la sierra de Santa Marta (5 775 m) qui se dresse au bord de la mer des Caraïbes, le Nevado de Cocuy (5 439 m) dans la Cordillère orientale.

L’arc des Caraïbes orientales compte des volcans en activité comme la Soufrière de Guadeloupe (1 467 m), la montagne Pelée de Martinique (1 350 m) et les Soufrières de Saint-Vincent, Sainte-Lucie et Dominique. Les éruptions de la montagne Pelée en 1902 et de la Soufrière en 1590, 1797-1798, 1836-1837, 1956 et 1975-1977 – ayant provoqué l’évacuation de tout le sud de l’île de la Guadeloupe (72 000 personnes) – se classent parmi les plus importantes crises sismo-volcaniques mondiales connues.

Dans le vieil arc centre-américain court depuis le Mexique central une chaîne montagneuse qui comprend de puissants volcans, tels le Pico de Orizaba ou Citlatepelt (5 653 m), le Popocatepelt (5 450 m), le Tajumulco (4 110 m) et qui se termine au Panamá (volcan Chiriqui, 3 500 m). Dans cette région des isthmes, la présence de ces volcans et une grande activité sismique se conjuguent pour expliquer l’instabilité permanente qui débouche parfois sur des cataclysmes: destruction de Managua en 1972, de Guatemala en 1917-1918, d’Antigua en 1773. Dans ce vieil arc surgissent parfois des volcans: le Jorullo (1 820 m) jailli en novembre 1759 dans le Mexique central, l’Izalco (1 885 m) apparu en 1770 au Guatemala et le Paricutín qui émergea (350 m) de 1943 à 1952 sur un plateau à 2 200 m d’altitude dans le Michoacán (Mexique).

2. Une genèse énigmatique

La formation et l’évolution des caractères structuraux de la région des Caraïbes ont suscité plusieurs théories. Pendant longtemps, l’hypothèse la plus séduisante a été celle qui considérait le domaine des Caraïbes comme vestige d’un ancien continent effondré ayant subi ensuite une «océanisation» ou «simification» partielle de ses fonds à partir de magmas issus de la partie superficielle du manteau terrestre. Une autre hypothèse se fonda sur l’idée que la méditerranée
des Caraïbes a toujours été intégrée à un domaine océanique et tente de combiner un mouvement de dérive vers l’est au Cénozoïque. La théorie de la tectonique des plaques, depuis 1968, a modifié la vision des géophysiciens. Elle admet l’existence à la surface de la terre d’un petit nombre de très grandes plaques indéformables, sauf le long de leurs bordures. Lorsque les plaques se rapprochent, il y a disparition de fond océanique par subduction et, lorsqu’elles s’écartent, il y a formation de nouveau fond océanique par accrétion de matériaux en provenance du manteau, de part et d’autre de la dorsale médio-océanique. En se fondant sur l’étude des forages profonds réalisés dans les océans Atlantique et Pacifique – en particulier dans les zones d’anomalies négatives à l’est des Caraïbes orientales et à l’ouest, dans et sur les affleurements de sédiments marins sur les bordures continentales –, on a pu tenter une reconstitution paléo-géographique. Pourtant, la reconstitution de l’évolution des plaques lithosphériques dans la région des Caraïbes a entraîné plusieurs hypothèses. D’après le modèle géophysique proposé vers 1970, la plaque des Caraïbes serait un vestige de la croûte Pacifique mise en place entre les deux Amériques au Mésozoïque, lors de la séparation de l’Europe et de l’Afrique. Deux problèmes ont retenu l’attention des spécialistes: comment se serait formée la plaque des Caraïbes et quelle serait l’origine des forces tectoniques qui se sont déployées? C’est en se fondant sur la répartition géographique de la fréquence et de l’intensité des séismes récents que des géophysiciens ont tenté de répondre à ces questions. La méditerranée des Caraïbes se serait constituée au Trias il y a 200 millions d’années au moment où s’ébauchait la séparation des trois masses continentales: Afrique, Amérique du Nord et Amérique du Sud. Des conférences de géologie des Caraïbes – la dixième s’est tenue à Cartagena (Colombie) en août 1983 – ont essayé de percer les mystères de cette plaque des Caraïbes qui représente à plus d’un titre un des points faibles de la théorie de la tectonique des plaques.

3. Le climat

Une zone tropicale

La configuration géographique du domaine des Caraïbes qui le situe dans les zones équatoriale et tropicale révèle l’influence considérable que jouent les deux masses continentales (Amérique du Nord et Amérique du Sud) et océaniques sur les conditions climatiques. Cependant, le fort décalage de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud de part et d’autre du 80e méridien fait apparaître l’importance de l’intervention nord-américaine (vents des Nortes par exemple). En outre, l’aire des Caraïbes s’étendant «sous le vent» de l’océan Atlantique – sous les tropiques, le mouvement général de l’atmosphère est E-W – subit l’influence du flux maritime de l’Atlantique tropical permettant aux vents un déplacement sur 6 000 km, de ses températures partout supérieures à 20 0C en superficie (Atlantique central), de son courant chaud nord-équatorial et de ses masses d’eau chaude superficielles qui pénètrent dans la méditerranée des Caraïbes par les mailles de l’arc oriental. La position centrale de la méditerranée des Caraïbes, une des mers les plus chaudes du globe, agit aussi de manière importante sur le climat de la région. Une telle masse d’eau chaude alimentée par l’Atlantique élabore dans le golfe du Mexique le courant de Floride et surtout, au nord de Cuba et à l’ouest des Bahamas, le puissant courant du Gulf Stream qui joue un rôle déterminant sur les masses d’air affectant la partie occidentale du domaine des Caraïbes.

Les cyclones

L’aire des Caraïbes doit à sa position tropicale d’être balayée fréquemment par des dépressions atmosphériques accompagnées de vents qui tournent à grande vitesse que l’on appelle «hurricanes», qui vient de «huracán», un mot du vocabulaire amérindien. Les cyclones tropicaux se constituent par combinaison de quatre éléments: l’instabilité atmosphérique, la température de surface de la mer, la valeur de la force de Coriolis et un paramètre dépendant des trois premières conditions. Les «hurricanes», connus des Amérindiens, ont défrayé la chronique des Caraïbes depuis les premiers voyages de Christophe Colomb. Le Cubain Andreas Poëy a dressé un catalogue établissant la table chronologique de quatre cents cyclones homologués publié à Paris en 1866. Le terme de cyclone, qui signifie en grec «enroulements du serpent», est un mot inventé vers 1839 par Henry Piddington, président de la Cour maritime de Calcutta. C’est en 1870 que s’organisa aux États-Unis le Storm Warning Service, service d’alerte des cyclones dont la direction fut confiée au chef du Signal Army Corps. Le 23 août 1873 fut transmis par électricité le premier signal d’alerte pour «Hurricane». Le Weather Bureau (civil) prit le service en charge et son organisation fut centralisée à Washington en 1903. En 1935 fut constitué le Hurricane Warning Service pourvu de centres de prévision locaux à New Orleans, Jacksonville, San Juan (Porto Rico). Un réseau de douze stations fut installé sur la côte sud des États-Unis.

Les hypothèses foisonnent concernant la formation des cyclones tropicaux. Seules les observations en cours par satellites artificiels doivent permettre de comprendre et de trancher. Les «perturbations ou turbulences tropicales», les «dépressions et tempêtes tropicales», les «ouragans» ou cyclones tropicaux sont accompagnés de vents soufflant de 120 à 200 km/h, de pluies entraînant inondations et glissements de terrain, de «marées d’ouragans» (vagues atteignant de 15 à plus de 30 m) et d’«ondes de hurricanes», provoquant des tremblements de terre. Il est admis qu’un cyclone moyen développe la même énergie que trois bombes atomiques A par seconde.

En dehors des investigations bio-climatiques menées par les spécialistes du National Hurricane Research Center de Miami (Floride), des missions de recherche utilisent l’avion pour «chasser les cyclones», technique expérimentée depuis 1943 à partir de deux bases, aux Bermudes et à Trinidad.

Parmi les nombreux hurricanes qui semèrent la désolation, il faut mentionner le cyclone Hugo qui détruisit l’île de la Grande-Terre (Guadeloupe) et les îles du Nord en septembre 1989. Ce hurricane a déployé une énergie encore plus puissante que celui de 1928 qui avait ravagé les îles de l’archipel oriental.

4. Recherches et explorations

Les explorations et les recherches concernant l’aire des Caraïbes peuvent être divisées en quatre périodes historiques: une période précolombienne, une période d’exploration géographique qui dura jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, une période d’exploration scientifique, de 1850 à 1950, et une période d’investigations modernes intensives et systématiques.

Les premières investigations

Les premières observations concernant les vents, le climat, les courants et autres facteurs importants relatifs à la navigation furent accumulées par les peuplades amérindiennes qui parcouraient la région à l’époque précolombienne. Au cours de cette période marquée par des migrations d’ethnies originaires des foyers de culture d’Amazone, de Guyane, des Andes, du Yucatán ou de Floride se transmirent des connaissances pratiques de l’espace des Caraïbes. Les surprenants documents archéologiques (Oaxaca, Monte Alban) et les têtes colossales de la Venta, de San Lorenzo et de Tres Zapotes posent encore des questions insolubles. Il devient en outre difficile d’écarter les hypothèses portant sur la présence de groupes migrateurs africains depuis 1 200 ans avant J.-C. et sur le voyage mémorable du roi Aboubakari II du Mali en 1311. Seule la multiplication d’études comparatives entreprises sur des bases scientifiques pourra écarter les interprétations chimériques et mythiques qui encombrent encore l’univers des Caraïbes.

Une période d’exploration géographique s’ouvre au XVIe siècle avec les progrès de la cartographie et la publication des ouvrages des grands historiadores tels que Pietro Martine di Anghiera (les Huits Décades ), Fray Bartolomé de Las Casas (Apologética historica sumaria & Historia de las Indias; Historia general y natural de las Indias, islas y tierra firme del mar Océano ), Juan Lopez de Velasco (Geografía y descripción universal de las Indias , 1571-1574), Antonio Herrera y Tordesillas (Historia general de los hechos de los Castellanos en las yslas y en tierra del mar Océano , 1601-1615). Il faut ajouter à ces œuvres les écrits de Fray Antonio de Remesal (Historia general de las Indias occidentales , 1629), de P. Antonio Vazquez de Espinosa (Compendio y descripción de las Indias occidentales ), de Garcilaso de la Vega (Historia de los Incas ), de Francisco Lopez y Gomara (Historia general de las Indias ) et de Juan Lopez de Palacios Rubios (De las islas del mar Océano ).

L’intervention des corsaires dans la méditerranée des Caraïbes au XVIe siècle fit progresser la connaissance: Francis Drake fit faire des croquis de plantes et d’animaux, John White et Walter Raleigh, à la fin du XVIe siècle, observèrent des populations amérindiennes et consignèrent des notes relatives aux langues et aux coutumes. Jean de Léry laissa des relations de ses voyages de 1586 et de 1594 ainsi que Jacques Le Moyne en 1564, José De Acosta en 1589 et J. H. van Linschoten en 1598.

Les premières descriptions d’animaux marins et de récifs de corail figurent dans l’ouvrage de Clucius, Exoticorum Libri Decem (1605), qui mentionne également des éponges, des poissons et des lamentins de la région des Caraïbes. Benedictus Cerutus (1622), Olaus Worm (1655), Adam Alearius (1674) et plusieurs autres auteurs du XVIIe siècle (B. Gerbier, Jean-Baptiste Dutertre, O. Keye, Joannes de Laet, Henry Stubbes, G. Marcgraf) ont reproduit et illustré des poissons, des crustacés, des coraux de la région. Au XVIIIe siècle, on publia plusieurs ouvrages qui précisèrent les connaissances sans que l’on sache toujours d’où provenaient les observations originales. La Barbade fut mieux connue grâce aux travaux de sir Hans Sloane (1707 et 1725) et de W. Hugues (1750), la Jamaïque fut étudiée par P. Browne (1756), Cuba par Antonio Parra (1787), la Guyane par P. Barrère (1751), T. Pistorius (1763), P. Fermin (1765), E. Bancroft (1769), J. J. Hartsinck (1770) et J. G. Stedman (1796), la Floride par Bernard Romans (1775) et les Bahamas par Mark Catesby, le naturaliste auteur de Histoire naturelle de Caroline, Floride et Iles Bahamas (1731-1743). John Atkins (1735) décrivit les Caraïbes et nota des observations concernant les vents, les marées et les courants ainsi que les «hurricanes». Au cours de ce siècle, une grande masse d’observations sur le climat, la faune et la flore put ainsi être accumulée.

Les observations scientifiques

L’exploration scientifique de l’espace des Caraïbes et en particulier de sa méditerranée commença avec les expéditions du Challenger (1872-1876) et du Blake , de l’U.S. Coast Survey (1877, 1878, 1879). Cet organisme établi en 1807 inaugura en 1844 l’exploration des courants du golfe du Mexique et, en 1867-1868, les premières recherches en eaux profondes au large de la Floride. Des investigations portant sur la faune des profondeurs (plus de 1 500 m) eurent lieu dans le canal du Yucatán en 1872, dans les fosses de Tortuga et de Barbade. Le navire à vapeur Albatross construit à Wilmington (Delaware) en 1882 fut le premier navire spécialement conçu pour l’exploration marine. Au cours de son voyage d’étude hydrographique aux Caraïbes en 1884, dans le golfe du Mexique en 1885, aux Bahamas en 1886, en Amérique du Sud en 1887-1888 et à Cuba, au Yucatán et dans le golfe du Mexique en 1919, le navire amassa des données considérables, investigations poursuivies par l’U.S. Commission of Fish and Fisheries.

Des recherches océanographiques d’initiative privée furent également menées à partir des États-Unis pendant les années 1920-1930. L’U.S. Fish and Wildlife Service réalisa ensuite à partir de 1950 environ 8 000 sorties dans la méditerranée des Caraïbes, fournissant aux laboratoires et musées des États-Unis un impressionnant volume de données biologiques, recherches menées également par les navires du Bureau of Commercial Fisheries à partir des années 1960.

C’est en 1964 et 1965 que l’U.R.S.S. organisa avec la coopération de Cuba des recherches océanographiques dans la méditerranée des Caraïbes. Des études publiées en 1966 par V. A. Vodyanitskiy concernèrent l’hydrographie, l’hydrochimie et la géologie, la circulation des eaux, les planctons et la biologie marine.

Explorations océanographiques contemporaines

L’étude des aspects physiques, chimiques et géologiques de l’océanographie commença pendant la décennie 1965-1975 quand les spécialistes purent disposer d’un équipement assez sophistiqué permettant des observations précises. Des programmes de recherches débutèrent dans l’Atlantique avec l’Année géophysique internationale (1957-1959) et les expéditions Equalant de 1964-1965. Des recherches sur la bathymétrie et la dynamique des courants commencées antérieurement purent se poursuivre sur des navires appartenant à l’Institution océanographique de Woods Hole et de l’Observatoire géophysique Lamont. Des investigations scientifiques purent approfondir la connaissance de l’Atlantique tropical et particulièrement des Caraïbes en utilisant les navires de l’Institut des sciences marines de l’université de Miami. C’est à partir de 1961 que cet institut, disposant du Gerda , construit au Danemark, et du John Elliot Pillsbury , put entreprendre des études géologiques et géophysiques. Des expéditions furent conduites en 1964 aux Bermudes, en 1966, 1967 et 1968 dans la mer des Caraïbes jusqu’au voisinage des côtes de Guyane. Utilisant des techniques perfectionnées de forage des profondeurs, on put entreprendre sur ces navires des analyses de sédiments et des études géomorphologiques concernant les bordures sismiques au voisinage de Saba, de la Guadeloupe, de la Dominique et de la Martinique (1963-1964). Une série de laboratoires fut établie autour de la mer des Caraïbes en Colombie (Santa Marta), au Venezuela, à Trinidad, en Barbade, à Sainte-Croix, Porto Rico, en république Dominicaine, en Jamaïque, à Cuba, aux Bahamas, au Mexique (Veracruz, Campeche, Quintana Roo, la Isla Mujeres) et au Costa Rica (San José).

Après avoir désigné les Caraïbes comme une de ses régions prioritaires d’action en 1974, le P.N.U.E. (Programme des Nations unies pour l’environnement) créa en mai 1977 le P.E.C. (Projet d’environnement des Caraïbes) qui adopta en 1980 un plan d’action qui prévoyait huit domaines: la mer, l’environnement et la pollution, le peuplement humain et l’habitat, le tourisme, les ressources naturelles et les écosystèmes, l’industrie et la technologie, les catastrophes naturelles et l’énergie. Depuis 1980, il faut souligner l’importance sans cesse accrue qu’ont prise dans les investigations les problèmes concernant la pollution de la méditerranée des Caraïbes.

5. Le milieu socio-historique

Le premier espace des Caraïbes se déployait autour des principaux centres de culture précolombienne: Amazone, Orénoque (Tupi-Garani, Karib, Arawak), Chibcha de Mérida, Maya du Yucatán et du Guatemala, Olmèques du golfe du Mexique, Aztèques du Mexique central et Floride. Des relations commerciales et culturelles s’étaient établies entre les grands foyers de civilisation et les archipels des Caraïbes insulaires parcourus par des peuplades composées surtout d’agriculteurs. Ce substratum amérindien a été complètement disloqué par le choc de la conquête des Ibériques qui se partagèrent le Nouveau Monde des Indes au traité de Tordesillas (1494). La population indigène des îles se concentrait surtout dans l’île d’Ayti (8 millions d’habitants à l’époque de la conquête selon les estimations des spécialistes de l’université de Berkeley). Dans les Caraïbes occidentales, les Espagnols se heurtèrent aux Maya et aux Aztèques qui comprenaient au total une trentaine de millions d’individus. Ce sont ces Amérindiens des îles et du continent qui inaugurent dès le début de l’occupation européenne – dans l’île Española – un processus de résistance que viendront attiser les corsaires hollandais, anglais et français quand il tenteront de s’infiltrer dans le monopole des Ibériques. Karibs, Chichimèques, Niceguras, «Indios Bravos» de Nouvelle-Valence en 1590-1595 et surtout les Black Karibs de l’arc oriental vont lutter jusqu’au XVIIIe siècle contre l’occupation étrangère. C’est en 1797 que les Anglais, après une longue guerre contre les Black Karibs de Saint-Vincent et de Grenade, vont en transporter 5 000 dans l’île de Roatan au Honduras. Plusieurs communautés garifunas établies à Belize, au Honduras et au Nicaragua témoignent encore aujourd’hui de la persistance de cette tradition de résistance des Black Karibs.

Pendant longtemps, jusqu’au XIXe siècle, les Indes des Ibériques ont été principalement un univers insulaire: Caraïbes insulaires, Floride, île de Terre Ferme entre Cartegena et les Amazones, Castilla de Oro, Darién, Uraba, le Yucatán et même la Nouvelle-Espagne qui s’articule autour de l’axe Veracruz-Mexico-Acapulco reliant les deux océans et l’archipel du Brésil. Après la conquête, le pillage des métaux précieux – l’or des Caraïbes surtout jusqu’en 1520 environ – se poursuivit en Nouvelle-Espagne de 1520 à 1550. Après ce cycle de ramassage de l’or et d’orpaillage vinrent la découverte et l’exploitation des mines d’argent du Mexique (Zatecas en 1546, Guanajuata en 1548, Peal del Monte et Pachuca en 1551 et San Luis Potosi en 1591) et celles des mines d’or de San Felipe de Buria en 1552 et des mines de Buritica en 1540.

La colonisation fondée sur le système esclavagiste va intégrer la région des Caraïbes au commerce mondial. Mais ce système de domination et d’exploitation capitaliste fondé sur l’esclavage des Africains transportés par les vaisseaux de la traite négrière suscita de nombreuses révoltes de la main-d’œuvre des plantations. Un procès de résistance des nègres esclaves et cimarrons se répercuta, depuis l’époque du Cacique Enriquillo dans l’île Española (1519-1530) et de la révolte des nègres de Barquisimeto (Venezuela) en 1553, dans toute la région des Caraïbes – y compris à Panamá et à Mexico – jusqu’à l’insurrection d’août 1791 des nègres de la colonie française de Saint-Domingue et aux révoltes du XIXe siècle (Guadeloupe en 1802, Morant Bay en Jamaïque en 1865). L’insurrection haïtienne marqua le début d’un long processus de destruction du système esclavagiste qui embrasa toutes les Caraïbes au XIXe siècle et se poursuit au XXe siècle. Le mouvement d’émancipation dans les colonies espagnoles et anglaises puis aux États-Unis provoqua des phénomènes migratoires qui devinrent à la fin du siècle une des composantes les plus caractéristiques de la région.

6. Géopolitique de l’espace

La domination nord-américaine

L’intervention des États-Unis à Cuba en 1898 sous le couvert de la guerre hispano-américaine a déclenché une nouvelle dynamique géopolitique dans l’espace des Caraïbes. De 1898 à 1960, la méditerranée des Caraïbes fut placée sous «la puissance dominante» de l’État fédéral, comme le notait en 1904 le sous-secrétaire d’État Loomis. La population se répartit de la manière suivante (chiffre de 1979): les cinq États des États-Unis (Floride: 12,5 millions, Alabama: 4,1 millions, Mississippi: 2,6 millions, Louisiane: 4,5 millions, Texas: 17,4 millions d’habitants en 1989). Dans le prolongement du Mexique (85 millions d’habitants en 1990), les États de l’isthme comprennent le Guatemala (9,2 millions d’habitants), Belize (189 000 habitants), le Honduras (4,6 millions d’habitants), le Salvador (5,2 millions d’habitants), le Nicaragua (3,8 millions d’habitants), le Costa Rica (3 millions d’habitants), Panamá (2,4 millions d’habitants). Au sud: la Colombie (32,9 millions d’habitants), le Venezuela (19,7 millions d’habitants), la Guyana (756 000 habitants), le Suriname (411 000 habitants), la Guyane française (115 000 habitants) et les deux régions du Brésil, Amazonie (5,8 millions d’habitants) et Nordeste (40 millions d’habitants en 1970). On dénombrait en 1992 plus de 35 millions d’habitants dans les Caraïbes insulaires, y compris les Bahamas (253 000 habitants), les îles Turks et Caicos et les Bermudes (71 000 habitants).

C’est l’amiral Alfred Mahan qui, en 1897, poussa le gouvernement fédéral à se doter d’une marine et de bases navales dans la méditerranée des Caraïbes. La reconnaissance de la république d’Haïti par la France en 1825 et l’Amendement Platt du 2 mars 1901 inaugurèrent le néocolonialisme dans l’aire des Caraïbes. Après s’être approprié la base de Guantanamo à Cuba depuis 1903, l’État fédéral créa le canal de Panamá – construit de 1881 à 1914 –, acheta les îles Vierges au Danemark en 1917 et s’imposa surtout en 1940 par le pacte de La Havane qui lui permit de contrôler les colonies de la France, de la Hollande et du Royaume-Uni. Les États-Unis possèdent une quarantaine de bases pour leur marine et pour leur aviation dans la méditerranée des Caraïbes. Les principales bases militaires se trouvent à Cuba (Guantanamo), à Antigua, aux Bahamas (île d’Andros), à la Barbade (Harrison’s Point), aux Bermudes, à Trinidad et Tobago (Omega), aux îles Turks et Caicos, aux îles Vierges (Saint-Thomas), à Porto Rico (Roosevelt Roads, Ramey Air Force, Fort Brooks, Isla Culeba, Salinas) et à Panamá. Depuis la fameuse proclamation de Monroe en 1823, les États-Unis intervinrent constamment pour assurer la défense de leurs intérêts économiques et avec le souci de neutraliser les autres puissances.

La politique extérieure du gouvernement fédéral orientée vers les Caraïbes – définie dans le «Document de Santa Fe» – s’est cristallisée dans un projet annoncé le 24 février 1982 par le président Ronald Reagan devant l’O.E.A. (Organisation des États américains): le Caribbean Basin Initiative . Cette initiative de l’État fédéral se présente comme une garantie des investissements privés et comme une aide publique et une diminution des droits de douane sur une partie des exportations des pays riverains de la méditerranée des Caraïbes. Pour le géographe Lewis A. Tambs – assesseur du président Reagan – qui participa à l’élaboration de ce projet et formula une nouvelle vision de l’aire des Caraïbes dans son ouvrage Geopolitics of the Amazon (1968): «Qui contrôle les Caraïbes peut étrangler les États-Unis en coupant les routes vitales du pétrole» (déclaration faite à Caracas, El Nuevo Venezolano , août 1980). En effet, la méditerranée des Caraïbes est devenue une zone de production et de réserve de pétrole, de gaz et d’asphalte. Au début de 1975, 320 nappes de pétrole et de gaz ont été découvertes sur le plateau continental de la Louisiane et du Texas et 25 gisements sur le plateau continental du Mexique. Depuis la fin des années 1970, les champs pétrolifères sous-marins de cette région fournissent 50 millions de tonnes de pétrole et 120 millions de m3 de gaz par an. Il est possible en outre d’extraire de 6 à 7 millions de tonnes de pétrole et 15 milliards de m3 de gaz dans le secteur offshore du Golfe (isobathes de 500 à 2 000 m). Les gisements du lac de Maracaibo (20 000 km2) et du golfe de Venezuela produisirent 110 millions de tonnes de pétrole avec une réserve de 1,5 milliard de tonnes. Dans le golfe de Paria, où la superficie océanique exploitée est de 16 000 km2, la production annuelle atteignait 9 millions de tonnes de pétrole et 3 milliards de m3 de gaz au début des années 1980. Plusieurs bassins pétrolifères ont été découverts et exploités au large de la Guyane et du Brésil. La méditerranée des Caraïbes est également une voie de passage pour les tankers qui viennent du Moyen-Orient et de l’Alaska et une aire de transbordement et de raffinage. C’est au Venezuela en 1960 que fut créée l’O.P.E.P. (Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole). Parmi les autres matières premières importantes qui transitent dans la mer des Caraïbes, il faut citer la bauxite, produite par la Jamaïque, le Suriname et la Guyana.

Métropoles financières et migrations

La lourde présence économique des États-Unis a conféré au domaine des Caraïbes une fonction particulière dans le réseau financier international. Après la création en 1948 du port libre de Colón, à Panamá, où s’est développée une intense activité financière et bancaire, les zones franches se sont multipliées au Mexique et au Brésil (Manaus) vers 1965 puis à la Barbade, en Colombie (Barranquilla, Buenaventura, Palmaseca, Cúcuta), en république Dominicaine, au Salvador, au Guatemala (St. Tomas de Castillo), en Haïti, au Honduras, dans les Antilles néerlandaises, à Porto Rico (Mayagüez), à Sainte-Lucie, Trinidad et Tobago, aux Bermudes, aux îles Vierges, au Venezuela. À l’ombre du dollar des États-Unis se sont multipliés des «paradis fiscaux» aux Bahamas, aux Bermudes, aux îles Cayman, Turks et Caicos, aux îles Vierges britanniques, aux Antilles néerlandaises, à la Barbade, à Saint-Barthélemy, au Costa Rica, à Panamá. Venu d’Europe et plus particulièrement de la C.E.E., un flux financier converge en direction des pays A.C.P. (Afrique-Caraïbes-Pacifique) et contribue artificiellement à élever le niveau de la consommation de produits étrangers. L’activité économique a permis l’émergence de plusieurs centres de transfert des capitaux: Miami, Houston, Dallas-Fort Worth, New Orleans. Les banques de Floride voient converger vers elles une masse de dollars provenant du commerce de la drogue avec la Colombie et ses voisins – environ 8 milliards de dollars en 1979. Miami, centre de décision financier, de consultation juridique et d’investissement, est devenue depuis décembre 1981, par son statut de zone franche, une métropole de réinvestissement des eurodollars. Elle abrite quarante banques nord-américaines et autant de banques étrangères ainsi que deux cents grandes firmes des États-Unis qui ont des intérêts aux Caraïbes. Son rôle de plaque tournante maritime et aérienne, son importance en tant que premier marché mondial de la drogue, sa population qui comprend 40 p. 100 (700 000) de personnes originaires des Caraïbes font d’elle une des premières métropoles économiques et financières de la région.

Entre 1898 et 1965, près de quatre cents interventions des États-Unis ont été dénombrées, dont vingt-trois qui totalisèrent vingt-cinq ans d’occupation à Cuba, en Haïti et au Nicaragua. La révolution castriste à Cuba, qui a fait intervenir l’U.R.S.S. dans la méditerranée des Caraïbes, a été suivie au Nicaragua et à la Grenade de la prise du pouvoir en 1979 par des gouvernements hostiles aux intérêts nord-américains. La guérilla sévit en outre de manière intensive au Salvador, au Guatemala et de manière endémique en Colombie et au Venezuela. Dans l’espace des Caraïbes ne subsiste plus, à côté des États indépendants, qu’un petit lot de territoires dépendant d’une puissance coloniale: les îles Vierges (États-Unis et Grande-Bretagne), les Bermudes, les îles Turks et Caicos, Cayman, Montserrat, colonies du Royaume-Uni, les Antilles néerlandaises (Curaçao, Bonaire, Saba, Saint-Eustache et Saint-Martin), Porto Rico (États-Unis) ainsi que trois D.O.M. (départements d’outre-mer) de la France: Guadeloupe, Martinique, Guyane. Il existe une volonté des territoires anglophones (Commonwealth Caribbean) de se regrouper et de constituer des structures économiques: Carifta (The Caribbean Free Trade Area, 1968), Caricom (The Caribbean Community and Common Market, 1973), E.C.C.M. (Eastern Caribbean Common Market, 1970), C.D.B. (Caribbean Development Bank, 1970).

La production sucrière, qui fit, au XVIIe et au XVIIIe siècle, la fortune des Caraïbes, ne subsiste plus – sauf à Cuba – que sous forme d’appoint industriel, faute d’infrastructure et de ressources énergétiques. Le débarquement de six mille marines nord-américains à la Grenade et dans les petites îles Carriacou et Petite Martinique le 25 octobre 1983 a obligé les Cubains à se retirer, ainsi que les Soviétiques et les Libyens. Aujourd’hui comme hier, l’espace des Caraïbes se caractérise toujours par son «instabilité», sa fragmentation politique et économique, sa diversité constitutionnelle, sa dépendance politique, le chômage, des tensions sociales, des conflits religieux potentiels «et les difficultés d’émergence de son identité» (E. Williams). Les migrants originaires des Caraïbes sont nombreux aux États-Unis – New York à elle seule en compte 2,5 millions – et il existe des communautés d’émigrés au Canada, à Londres, en France (600 000 Guadeloupéens, Martiniquais et Guyanais), aux Pays-Bas (400 000 Surinamiens) et en Afrique.

Territoires non indépendants

La présence des États-Unis dans la méditerranée des Caraïbes s’est accentuée, s’appuyant, sous la présidence de Ronald Reagan, sur des interventions militaires, économiques et politiques. Après avoir entrepris un processus de «recolonisation» de la Jamaïque avec le concours d’Edward Seaga et mis en tutelle les nouveaux États des Caraïbes orientales, l’État fédéral a étendu son activité au Belize et dans les républiques occidentales. En revanche, à Porto Rico, le président Reagan qui, en janvier 1982, se déclarait «partisan d’un rattachement intégral de l’île aux États-Unis, dont elle deviendrait le cinquante et unième État de l’Union», a dû faire marche arrière. Les organisations indépendantistes comme les Forces armées de libération nationale (F.A.L.N.) et Los Macheteros ont multiplié les attentats contre la puissance coloniale. Malgré la répression et le procès politique de janvier 1987 contre les militants des Macheteros, le caractère colonialiste de l’actuel statut d’État libre associé (E.L.A.) ne fait plus de doute pour personne dans l’île. Un nouveau projet de «république associée» a été envisagé à Washington en 1986, qui prévoit une assistance économique de 50 milliards de dollars étalée sur vingt ans. Porto Rico deviendrait un État souverain qui aurait le droit de conduire lui-même ses relations internationales, à deux exceptions près: la défense et la sécurité. Il aurait le droit de signer des traités commerciaux, d’être membre d’organisations régionales et internationales et, en général, d’agir sur des bases bilatérales avec d’autres nations. Les lois des États-Unis ne lui seront pas applicables.

L’emploi reste sans conteste le problème socio-économique le plus pressant des pays des Caraïbes. Le chômage a des conséquences graves: mécontentement et criminalité peuvent saper la stabilité des territoires indépendants ou non. La montée en flèche de la criminalité traduit la frustration et le désespoir des chômeurs de longue durée. Le problème avait été atténué par la forte émigration de main-d’œuvre non qualifiée des Caraïbes en 1960-1970. Cependant, l’évolution de la croissance économique n’a pas suivi celle de la croissance démographique et l’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi, surtout parmi les femmes et les jeunes. Le chômage, qui était de 12 p. 100 de la population active en moyenne en 1960, passa à 18 p. 100 en 1970. La situation se dégrada, le chômage à la Jamaïque en 1980 atteignant 26,8 p. 100. Tandis que les possibilités d’émigration se restreignaient, les départs de personnes qualifiées se multipliaient entre 1970 et 1980. Le taux de chômage s’éleva en 1986 à 16,6 p. 100 à Trinidad et Tobago, 21 p. 100 en 1987 à la Jamaïque et 18,6 p. 100 à la Barbade. Il était alors de 22 p. 100 à Porto Rico, 27 p. 100 à la Guadeloupe et à la Martinique (33 p. 100 en 1992). Le chômage frappa durement surtout les jeunes de moins de vingt-cinq ans: 54 p. 100 de la population à la Jamaïque, 57 p. 100 à Trinidad et Tobago en 1987. Les femmes souffrent plus que les hommes du manque d’emploi. En 1987, le taux de chômage des femmes de la Barbade était de 24,4 p. 100, contre 13,2 p. 100 pour les hommes. À la Jamaïque, il était alors de 31,2 p. 100 contre 12,8 p. 100.

Crise économique et tourisme

Dans les territoires anglophones, les espoirs placés dans l’«industrialisation sur invitation», politique qui consiste à attirer des industries étrangères par incitations fiscales, ont fait augmenter les produits intérieurs bruts (P.I.B.) mais n’ont eu que peu d’effet sur l’emploi. En outre, le niveau du chômage dans les villes s’est accru avec la migration interne des zones rurales vers les zones urbaines. La compression des effectifs dans le secteur public (pour réduire les déficits budgétaires) et dans le secteur privé a par ailleurs aggravé la situation de l’emploi, notamment à la Jamaïque, à la Guyana, à Trinidad et Tobago et à la Grenade. La diminution des exportations de bauxite en Jamaïque due au fléchissement de la demande sur le marché international et la chute des prix du pétrole à Trinidad et Tobago ont entraîné une récession économique. Des usines ont été fermées à la Jamaïque (Reynolds et Alpart), 24 000 personnes ont perdu leur emploi à Trinidad et Tobago entre 1982 et 1987, et des pays comme la Barbade ont ressenti cette contraction de la demande de main-d’œuvre. C’est le marasme sur le marché des produits d’exportation traditionnels: sucre, bauxite, pétrole. Le ralentissement des échanges régionaux a des effets sur le niveau de l’emploi dans le secteur manufacturier. Pour lutter contre le chômage, la Jamaïque, à l’instar de certains pays, a mis en œuvre des programmes de formation améliorée qui visent à réduire le chômage des jeunes. Des mesures ont été prises, visant à favoriser le développement des produits d’exportation non traditionnels: vêtements, denrées alimentaires transformées, fleurs coupées et produits ligneux. Les gouvernements fondent leur espérance sur les accords commerciaux et les accords d’investissements conclus avec les États-Unis dans le cadre du Caribbean Basin Initiative et avec le Canada (Caribcan). Mais les deux conventions n’accordent pas l’accès en franchise aux vêtements.

Pour créer des emplois, les gouvernements comptent sur le tourisme en pleine expansion (10 p. 100 d’augmentation en 1987). Le tourisme est ainsi devenu fournisseur d’emplois à Antigua, Barbuda, à la Barbade, aux Bahamas, à Sainte-Lucie et à la Jamaïque. Le Caricom a baptisé 1988 «année des petites entreprises», secteur en croissance capable de créer des emplois. On compte beaucoup, enfin, sur le colportage, notamment à la Guyana et à la Jamaïque. Les colporteurs assurent le commerce des produits agricoles entre les îles. Cependant, pour pallier ces insuffisances du marché de l’emploi, des mesures de limitation des naissances ont été prises, qui laissent espérer une solution à plus long terme.

Le IXe sommet du Caricom s’est tenu du 4 au 8 juillet 1988 à Antigua. Les chefs de gouvernement ont examiné les difficultés rencontrées par certains pays en matière de balance des paiements, de dette extérieure et de remboursement des dettes. Ils ont enregistré des signes de croissance et des progrès du commerce régional en 1987. La Guyana, la Jamaïque et Montserrat ont signé un protocole qui concerne le projet de programmation industrielle du Caricom. Les gouvernements ont pris la décision d’appeler 1990 «année de la surproduction alimentaire du Caricom». La création d’une banque d’export des Caraïbes en tant qu’organisme régional indépendant a été repoussée, les chefs d’État préférant s’adresser à la Banque caraïbe de développement pour des crédits à l’exportation qui doivent favoriser les secteurs prioritaires. Le gouvernement de Trinidad et Tobago a dégagé près de 50 millions de dollars des États-Unis pour entreprendre à Tobago la construction de quatre hôtels, d’un port, d’un hippodrome, la modernisation et l’extension de l’aéroport. Pourtant, Trevor Sudama, ex-ministre des Finances, écarté du gouvernement, a stigmatisé la détérioration de l’économie, le chômage, les crimes, le trafic de drogue. Pour lutter contre la drogue, les États-Unis ont accordé à Trinidad et Tobago une aide de 100 000 dollars. Cette aide doit servir à équiper le personnel de la brigade des stupéfiants et à intensifier la lutte contre les trafiquants de drogue.

On constate une progression spectaculaire de la drogue, tant aux États-Unis qu’aux Caraïbes. L’Organisation mondiale de la santé déclarait en 1985 que «l’abus de cocaïne est devenu une véritable épidémie» aux Caraïbes. La consommation de pâte de coca a atteint des proportions alarmantes en Colombie. Comment expliquer les réticences et les hésitations de certains pays à lutter contre la production et le trafic de la drogue? La ganja , une variété de cannabis, à la Jamaïque, rapporte 1 milliard de dollars par an et procure des emplois à des milliers d’habitants. La production de marijuana s’est accrue à la Jamaïque et au Belize. Les Caraïbes servent de passage obligé entre l’Amérique du Sud et les États-Unis. L’accroissement de la contrebande à la Guyana, au Suriname, à la Jamaïque et dans les îles orientales est devenu un problème politique. Le problème de la drogue a atteint des proportions terrifiantes et menace tous les secteurs de la société, affirment tous les dirigeants politiques.

L’influence des trafiquants a été démontrée lors de procès entrepris contre eux au Suriname et dans les îles Turks et Caicos. Des centaines de policiers seraient impliqués aux Caraïbes dans le trafic. C’est également l’avis des experts de la Drug Enforcement Administration, l’organisme des États-Unis chargé de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Les Bahamas servent doublement le trafic de drogue en permettant le «blanchiment» des moyens de paiement et en fournissant une base de transport maritime légal. L’administration de Porto Rico a investi 50 millions de dollars dans la construction d’un radar aérien pour couvrir l’île. La drogue occupe une place importante en Colombie, qui fournit 75 p. 100 de la cocaïne et 60 p. 100 de la marijuana consommées aux États-Unis. En Colombie et au Mexique, entreprendre la destruction des champs de coca, de cannabis et de pavots, c’est s’opposer aux trafiquants et aux guérilleros, ces derniers tirant eux aussi du trafic des bénéfices qui leur servent à acheter des armes. La production s’est étendue à d’autres pays, comme le Panamá, le Honduras et le Brésil, pour répondre à la demande, notamment des marchés nord-américain et européen.

Les accords Torrijos-Carter signés le 7 septembre 1977 marquaient la fin de la domination des États-Unis sur le canal et prévoyaient le transfert progressif de toutes les installations de la zone du canal – la voie d’eau et les bases militaires – aux autorités panaméennes, celles-ci devant recouvrer une souveraineté totale le 31 décembre 1999. Le Congrès, en 1979, votait la loi 96-70, octroyant aux États-Unis un droit d’intervention au cas où une «menace» pèserait sur la sécurité des installations, en violation flagrante des accords de 1977.

À partir de 1985, le général Manuel Antonio Noriega, arrivé au pouvoir en 1983, subit des pressions nord-américaines l’incitant à démissionner de son poste de chef de la Force de défense. Devant son refus, une «campagne de diffamation» fut lancée contre lui: trafiquant de drogue, revendeur d’armes, agent double corrompu de la C.I.A. et de La Havane, dictateur... Le Sénat des États-Unis vota une résolution demandant sa destitution immédiate le 26 juin 1987. L’écrivain Graham Greene, qui connaissait bien ce dossier, observait alors: «Si le général Noriega tombait, cela signifierait la fin des accords sur le canal, pour lesquels mon ami Omar Torrijos s’est battu si dur. Ce serait aussi la fin de l’indépendance réelle du Panamá.» L’intervention militaire des États-Unis au Panamá en décembre 1989 fut suivie de l’arrestation de Noriega. Emprisonné, poursuivi pour «trafic de cocaïne, blanchiment de narcodollars», son procès s’ouvrit à Miami le 5 septembre 1991.

Après le retrait de leurs troupes – environ 13 000 hommes – en février 1990, les États-Unis disposent encore au Panamá d’un effectif de 13 500 soldats qui devront se retirer avant 1999, comme le prévoient les accords de 1977 sur le canal.

Selon les témoignages d’un dirigeant du cartel de Medellín, Carlos Lehder, emprisonné aux États-Unis pour trafic de drogue, Alfonsó López Michelsen, ancien président de la Colombie (1974-1978), Raul Castro auraient collaboré avec le cartel de Pablo Escobar. Les cartels colombiens auraient étendu leurs tentacules au Venezuela et dans les Caraïbes occidentales: Nicaragua, Costa Rica, Guatemala. Ce dernier, devenu le cinquième producteur mondial de pavot dont on tire l’héroïne, collabore avec les États-Unis pour lutter contre le trafic de drogue. Les narcotrafiquants auraient «pénétré certains secteurs de l’armée, de l’entreprise privée et du monde politique» selon le président du Congrès guatémaltèque, Edmond Mulet.

Guerre et paix

La politique de Ronald Reagan s’attacha à enrôler trois pays contre le Nicaragua: le Honduras, El Salvador et le Costa Rica, qui constituent le «bloc de Tegucigalpa». L’État fédéral accorda 150 millions de dollars d’aide économique et 80 millions d’aide militaire en 1986 au Honduras, 500 millions de dollars par an au Salvador et 120 millions au Costa Rica en 1986. Au Salvador, où 50 p. 100 du budget étaient consacrés à la guerre, les militaires et leurs «conseillers» nord-américains ne réussirent pas à déloger de leurs positions les combattants du Front Farabundo Martí de libération nationale (F.M.L.N.). Ceux-ci signèrent le 2 janvier 1987 un pacte d’unité d’action avec le Front démocratique révolutionnaire (F.D.R.) conduit par Guillermo Ungo, membre de l’Internationale socialiste.

Le président Oscar Arias Sánchez, lauréat du prix Nobel de la paix 1987, est l’auteur d’un «plan de paix» adopté à Guatemala le 7 août 1987. Ce plan avait été élaboré après plusieurs contacts pris avec les guérilleros salvadoriens (F.M.L.N. et F.D.R.), les dirigeants de l’opposition armée nicaraguayenne (la Contra ) et des membres du Congrès des États-Unis. Il survint avec la relance du groupe de Contadora et le soutien des Européens depuis 1984 (conférences de San José). Le Nicaragua se dota en 1985 d’une armée régulière qui reçut mission de surveiller les frontières montagneuses. En outre, la distribution massive de lopins de terre individuels aux paysans avait été entreprise par l’Institut national de la réforme agraire (I.N.R.A.). De 1984 à 1987 furent distribués 1,2 million d’hectares à plus de 50 000 familles, avec des fusils pour les défendre.

Ces mesures affaiblirent considérablement les contre-révolutionnaires (contras ) qui avaient créé l’Opposition nicaraguayenne unie (U.N.O.) en juin 1985.

Le Nicaragua mobilisa en 1985 une armée régulière dotée d’un équipement moderne pour combattre efficacement les contras. Les États-Unis, condamnés par les Nations unies en 1986, retirèrent leur aide militaire aux contras. Le gouvernement sandiniste et les contras engagèrent des négociations et signèrent les accords de Sapoa (Nicaragua, 23 mars 1988), puis de Tela (Honduras, 5 août 1989) qui fixèrent la démobilisation et la réinsertion de 12 000 contras.

Le Salvador a mis fin à douze années de guerre civile le 1er février 1992. Les négociations entre la guérilla et le gouvernement du président Alfredo Cristiani, entreprises en septembre 1991 à New York sous l’égide de l’O.N.U., aboutirent à un accord de paix signé le 16 janvier 1992. Les dirigeants du F.M.L.N. rentrèrent d’exil ou sortirent de la clandestinité. Le F.M.L.N., qui prévoit de se transformer en parti politique, entend rechercher la «concertation» pour favoriser la réforme agraire et «défendre les intérêts des pauvres». Les 6 800 guérilleros se maintiennent sous la protection des observateurs des Nations unies jusqu’à leur désarmement complet, le 31 octobre. Des négociations, entreprises à Mexico en février 1992 entre le gouvernement et la guérilla guatémaltèque avec le soutien des Nations unies et la médiation de Mgr Rodolfo Quezada, tentent de mettre fin à trente ans d’affrontements armés.

Instabilité politique

La célébration du cinquième centenaire (1492-1992) du premier voyage de Christophe Colomb aux Caraïbes a provoqué une profonde division parmi les manifestants. En Europe, on commémore l’illusion entretenue depuis le XVIe siècle, qu’un continent habité, identifié à un «Vieux Monde», ait pu «découvrir» un autre continent habité, ou «Nouveau Monde». Cette illusion de la découverte a engendré chez les Européens une distorsion spatio-temporelle qui favorise leur ethnocentrisme. Aux Caraïbes, les populations indigènes revendiquent fièrement leurs luttes séculaires: un processus de résistance de cinq siècles qui leur a permis d’affronter les conquêtes, les accaparements de terres et les effets de la colonisation.

L’éclatement de l’empire soviétique en 1991 a accentué l’effondrement de l’économie cubaine. Pour se maintenir au pouvoir, le gouvernement de Fidel Castro, après avoir réaffirmé son attachement aux principes du marxisme-léninisme (IVe congrès du Parti communiste cubain, octobre 1991), a entrepris de combattre la «cinquième colonne», les dissidents anticastristes de l’intérieur, présents jusque dans les appareils de l’État. Les autorités cubaines, isolées et sur la défensive, se sont engagées dans un processus de répression qui rappelle étrangement l’époque de la dictature de Batista.

Après le coup d’État des militaires du 30 septembre 1991 et le départ pour le Venezuela du président Aristide, un régime de terreur s’est instauré en Haïti. Près de quinze mille personnes qui ont fui le pays ont trouvé refuge dans la base de Guantánamo (Cuba), ou sur les côtes de Floride. Ces départs s’expliquent par le désespoir de beaucoup d’Haïtiens menacés par le retour des chefs de section, ces supplétifs de l’armée, omnipotents dans les campagnes, qui ont racheté leurs charges et se remboursent en pressurant les populations qu’ils sont chargés d’administrer. Les garde-côtes nord-américains procèdent aux rapatriements forcés des «boat-people» haïtiens ou dominicains qui tentent de pénétrer illégalement à Porto Rico, fuyant la crise économique qui frappe la république Dominicaine en janvier-février 1992. Le Venezuela, sixième puissance pétrolière du monde, peuplé de 20 millions d’habitants, souffre de sa richesse: un revenu per capita de 2 900 dollars. La hausse brutale des prix a frappé une population dont 43 p. 100 vit en état de «pauvreté critique». L’insécurité est devenue une préoccupation majeure, surtout à Caracas, la capitale de 3,5 millions d’habitants, où la délinquance fait chaque semaine une vingtaine de morts en moyenne.

Avec le retour des civils au pouvoir depuis 1986, sous la présidence de Jorge Serrano, le Guatemala a entrepris de régler pacifiquement le contentieux territorial avec le Belize. Le gouvernement guatémaltèque a reconnu le «droit du peuple de Belize à l’autodétermination» puis l’indépendance de cet État. Le Guatemala avait rompu les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni en 1963 pour protester contre le statut d’autonomie octroyé à ce territoire de 23 000 km2 et peuplé de 200 000 habitants. Il n’a pas abandonné l’espoir d’obtenir des facilités d’accès à la mer des Caraïbes en faisant appel à un arbitrage international.

La Guadeloupe, la Guyane et la Martinique doivent affronter les difficultés d’insertion dans la Communauté économique européenne qui supprime ses frontières douanières à partir de 1993. Dotées d’une économie locale peu structurée, ces dépendances de la France apparaissent mal armées dans ce nouveau contexte.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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